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décembre 2010

1927-1930: Kurt Weill et Bertolt Brecht mettent en scène et en musique une «épopée», celle de la naissance d’une ville, à partir de rien, dans un non-lieu; des gangsters sont en fuite, au bout de leur route. Une seule chose leur reste à faire: fonder une ville avec l’argent qui dort dans les poches des chercheurs d’or en quête de plaisir et de repos.

Comment en étais-je arrivé à ce canard? Je ne sais. Quoi qu’il en soit, cette semaine, j’ai cru l’espace d’un moment que Big Duck — le plus célèbre représentant de cette architecture de bord de route où le bâtiment prend la forme du produit qu’il distribue — avait disparu de son implantation le long de la route 24 à Flanders, à l’entrée de Sears-Bellow County Park (dans l’État de New York).

Le sens de la musique se mesure « se faisant », pour le compositeur, s’écoutant, pour l’auditeur; la «construction» du temps musical est toujours « en train », sans expression autre que celle de son propre ordre. Concrétion de la durée, pétrification de la période du présent, l’architecture parachèverait dans l’équilibre de ses ordres quelque chose qui tienne pour nous de la beauté du temps musical.

Renzo Piano ne démentira pas Nietzsche. L’art plastique est apollinien, tandis que la musique est d’essence dionysiaque. L’architecte déploie une affirmation douce, en retrait du débordement intempestif du geste, trop souvent attaché au design contemporain.

J’ai récemment pu voir à Shanghai — autrefois surnommée le «Paris de l’Asie» — combien la fantasmagorie de la «ville lumière» demeure encore sensible, depuis l’inauguration de l’Exposition universelle de Paris, en 1900, et son Palais de l’électricité, au sommet duquel caracolait de mille feux un «Génie» éponyme.

À quoi aurait servi, sinon, le pont — on ne pouvait croire qu’il cessait là, au beau milieu du fleuve, inachevé, vaguement suspendu au-dessus de l’eau grasse et noire qui coulait vers l’océan que l’on imaginait pas tellement loin que ça puisqu’il nous arrivait de sentir sur nos visages quelque chose de marin, une sorte de liberté…