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novembre 2010

Ça a débuté lundi par un cratère intrigant, inexplicable et innommable. J’allai depuis flânant en 80 gigapixels dans un Londres où je tentais de débusquer quelques anciennes utopies architecturales, tel le quartier brutaliste de Barbican, mon préféré, celui où j’aime boire un café en terrasse pour admirer les saillances de ces gratte-ciels de béton que vomit la City arrogante.

Toujours à Rome par mille voies les ragazzi sur liberty les enfants du tramway graffité toute la famille sainte des faubourgs à Saint-Jean de Latran à la Garbatella de Cinecittà aussi ou bien venus de via Portuense ou d’Appia Nuova descendent le Janicule remontent du Village olympique coupent Nazionale évitent le Corso Vittorio Emmanuele puis encore de toutes les places aux marchands de glaces et hors les murs antiques…

Le grand œil satellitaire Google Map et son explorateur de ras-de-terre, Google Street View, sont des machines dont nous avons rapidement adopté l’usage, nous transformant en cyber-arpenteurs du quotidien planétaire, de sorte que pas une frange de notre monde physique n’échappe au jeu de conjecture et de vérification que ces logiciels permettent d’orchestrer.

Ils disent l’époque des télécommunications et des enseignes lumineuses: «Bébé Cadum vous souhaite bon voyage / Merci, Michelin, pour quand je rentrerai / Comme les fétiches nègres dans la brousse / Les pompes à essence sont nues». Ils disent les voyages en transatlantique, les prospectus, les sténo-dactylographes ou les aérodromes: «La religion seule est restée toute neuve la religion / Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation».

Sur l’acte de naissance des villes on lit d’abord un anéantissement de la campagne. Réintroduire la nature entre les bâtiments ne changera pas cette donnée fondamentale. Mais la campagne est pugnace, elle aime à resurgir. Elle renaît dès que l’emprise de la ville se relâche, parfois à quelques mètres de l’hyper centre lourd des quais de marbre et des dalles de béton.

L’habitat prétendument «à l’écoute» de ses habitants, dont les capteurs devanceraient même les attentes, fonctionne à rebours de nos espaces bricolés, contingents, aux logiques d’appropriation floues. On se demande quelle domestication la domotique vise en définitive, celle des technologies ou bien la compliance des hommes à leur pharmakon?

Rome a possédé jusqu’à onze aqueducs pour alimenter ses fontaines publiques, ses thermes et ses citernes de quartier. La campagne romaine conserve encore la trace des arcades majestueuses de cet urbanisme de l’eau. La généralisation du béton dans le gros œuvre et l’exploitation des mines de plomb d’Espagne ont été deux conditions matérielles favorables à l’augmentation exponentielle de la quantité d’eau claire acheminée à Rome.

Contrairement à ce que notre manie occidentale de la patrimonialisation des villes laisse accroire, Rome n’a eu d’éternelle que sa prodigieuse aisance à changer de physionomie. Faut-il désormais se tourner vers les mégalopoles du futur pour s’émouvoir à nouveau de la passion destructrice de la reconstruction de la ville sur elle-même?