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avril 2010

Je me souviens de «La vie mode d’emploi» de Perec, et pour lui, Hong Kong c’est l’enfer. Je me souviens des «miroirs profonds» et «des riches plafonds» de Baudelaire, et pour lui, Hong Kong c’est l’enfer.

Espace singulier dont la spécificité passe pourtant inaperçue… De la cave au toit, l’escalier délimite pourtant l’habitat. Jusqu’à la concurrence de l’ascenseur, son parcours clôt l’édifice dans sa raison d’être. Il «dessert»: pesons toute l’ambiguïté du verbe. Épreuve physique, l’escalier est le plus ingrat et asséchant des modes de déplacement. Instrument de sélection, il nie toutes les frictions mécaniques qui ne soient celles du piéton en bonne santé. Mais sans même parler de «concurrence», le monde mécanisé et automatisé a introduit du jeu dans la phénoménologie de l’escalier.

Là, tu poseras une forêt d’immeubles, une forêt profonde avec des arbres de géants. Oui, il en faut beaucoup. Non, tous hauts, très hauts. Tu penseras aux feuilles. Oui, les enseignes. Oh, de la couleur que tu veux. Tout ce que tu trouves. Enfin, du rouge et du jaune surtout. Pour la peinture des immeubles, des gris, perle et anthracite pour le centre, béton pour le reste, avec du vert ou de rose de temps en temps. Et des fenêtres par milliers.

Walled City prend naissance dans une ancienne place fortifiée chinoise du XIXe siècle, entourée du village de Kowloon. Lorsque les britanniques prennent possession des «Nouveaux territoires», en face de Hong Kong, cette enclave demeure sous souveraineté chinoise.

Les manifestants comme chaque semaine se sont retrouvés devant la Bank of China, verre noir à l’extérieur, granit noir à l’intérieur. Les banderoles sont déployées sur les palmiers en pots qui encadrent le parvis. La cymbale entonne sa litanie. Irrégulière et sans fin.

Que le visiteur contemple donc la ville entière dans sa haute et pleine densité, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. Qu’il regarde cette brumeuse lumière, mise comme un néon éternel pour éclairer la baie des Perles, que la fenêtre allumée de son hôtel lui paraisse comme un point au prix de l’intensité dégagée par l’immeuble entier et qu’il s’étonne de ce que cette intensité elle-même n’est qu’une pointe très délicate à l’égard de celle que les enseignes qui constellent la skyline dégage.

L’onde s’épuise dans une stagnation méphitique. La rade sursoit aux promesses de continuité. Dans tous les ports du monde mouillent les souvenirs qu’on puise à la surface étale de la mer.

Wong Kar-Wai réalise «Chungking Express» peu avant la rétrocession de Hong Kong. Sans trame apparente, le film déroule deux histoires d’amour à Hong Kong, la nuit. L’unité, c’est le quartier, dans et autour de Chungking Mansion (Kowloon). Construit dans les années 1960, Chungking Mansion est devenu, d’un ensemble d’appartements, une sorte de territoire d’asile pour toutes sortes d’immigrés, de désespérés ou de routards sans argent…

Il y en a qui marchent en arrière, à un ou deux /Il y en a qui marchent en balançant des bras /Il y en a qui marchent avec les deux mains entre les omoplates et leur face s’ouvre sur la face du monde /Il y en a qui marchent en frappant dans les mains un rythme qui n’est pas celui de leur pas /Il y en a qui marchent en leur rythme

À Shanghai, dans le quartier historique de Hongkou (nord de la rivière Suzhou), au point de convergence de deux canaux, «Slaughterhouse 1933» est un ensemble de trois bâtiments dont deux ont fait l’objet d’une requalification importante. Comme son nom l’indique, avant de devenir tout récemment un centre culturel branché, ce complexe avait été construit dans les années 1930 pour assurer la fonction d’abattoir de porcs.